“Le silence, écrivait Pascal, est la plus terrible des persécutions. “ Dans les années 1990, au Maroc où j’étais adolescente, l’amour rimait pour moi avec le secret et avec le mensonge. À nous, les filles, on expliquait qu’il ne fallait pas déranger l’ordre du monde, qu’il fallait respecter les règles, les frontières car les filles qui les franchissent provoquent la destruction et l’anomie. Je n’ai pas choisi d’être une fille scandaleuse. Je ne voulais pas le désordre. Mes rêves étaient très simples. Aimer en plein jour. Ne pas craindre, lorsque l’on prend la main de son amant, d’être jugée, battue, harcelée par un flic, un père, un prêtre. Choisir d’avoir un enfant. Choisir de ne pas mener une grossesse à terme. Séduire quelqu’un, se retrouver seule avec lui, changer d’avis et voir sa décision respectée. Être une femme, aimer une femme et ne pas penser qu’on est folle ou malade. Être un homme, aimer un homme et ne pas finir en prison, dans un de ces quartiers réservés qui existent dans des dizaines de pays dans le monde.

(…) Ce corps est à moi, je l’accompagne, il m’accompagne, de la naissance à la tombe. C’est moi qui souffre quand il souffre, c’est moi qui jouis quand il jouit, et là-dessus, personne n’a rien à dire. Personne ne peut sentir à ma place ce que ma chair endure.

Extrait de Vivre et laisser vivre - Leïla Slimani

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